Pourquoi est-il si difficile de sentir l'odeur de sa propre maison ?
Pourquoi ne sentons-nous pas notre propre odeur ?
Et celle de notre parfum ?
Petite explication de ce que les spécialistes appellent notre adaptation olfactive !
Chaque habitation a une odeur distincte. Mais lorsqu’on y vit tous les jours, il est presque impossible de savoir à quoi son odeur ressemble. Sent-elle le bois, le café, les huiles essentielles de notre diffuseur ? Mystère…
Vous venez de rentrer de vacances. Vous êtes parti de chez vous depuis pendant plusieurs jours. Avant le départ, la maison a été rangée et lavée de fond en comble. Pourtant, dès le premier pas, vous sentez comme une odeur de « renfermé » et vous vous précipitez sur les fenêtres pour les ouvrir. Mais la maison n'est pas sale pour autant, c'est seulement que votre nez n'était plus habitué à sentir de telles odeurs.
C'est la même chose avec votre parfum. Vous avez mis des années à trouver la perle rare qui colle parfaitement à votre peau. Néanmoins, au fil du temps, il devient pratiquement impossible d'en sentir l'odeur sur vous-même. Pourtant, tout le monde autour de vous sent bien votre parfum.
Selon Pamela Dalton - experte du centre de recherches Monell à Philadelphie aux États-Unis, « au bout de seulement deux respirations, les récepteurs olfactifs commencent déjà à saturer et l'intensité de l'odeur s'estompe ».
Pourquoi ? « Parce que votre cerveau ne s'est pas senti « attaqué » par cette odeur et il l'a assimilé. Sur le long terme, il ne prête donc plus attention à elle », analyse cette experte. Selon le site Newser, Pamela Dalton a mené l'expérience suivante : pendant trois semaines, elle a donné un parfum d'ambiance (senteur pin) à un certain nombre de personnes. Ils finissaient par venir la voir en lui demandant : " Vous êtes certaine qu’il fonctionne encore ?" En réalité, selon elle, "chaque semaine, ils sont devenus moins sensibles à l'odeur diffusée".
Comme l'indique le magazine New York, les experts et les scientifiques eux-mêmes ne comprennent pas pourquoi nous nous habituons ainsi aux odeurs de notre environnement, au point de les oublier. Mais il est clair que c’est le cas. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous décelons rapidement les odeurs étranges, anormales ou inattendues quand nous sommes dans notre environnement quotidien, par exemple les odeurs de brûlé, de rance ou toutes autres senteurs nauséabondes qui sont perçues comme des alertes par notre cerveau."
Dès qu'il y a quelque chose de nouveau dans notre environnement cela prend le dessus sur tout le reste. C'est pourquoi, chacun de nous est un expert en changement dans sa propre maison" indique Pamela Dalton. Et cette psychologue cognitive d'ajouter : "c’est aussi pourquoi l’on remarque l’odeur que dégage la maison ou l’appartement d’une amie, mais pas celle de notre propre logement".
Quant aux odeurs corporelles, il est difficile de faire abstraction des odeurs, surtout quand celles-ci émanent d'autres personnes. Pourtant nous ne sentons pas la nôtre... Un effet de l'évolution qui nous permet de rester sensibles aux nouvelles senteurs. Parce que, sans en être conscient, on porte cette senteur en permanence depuis notre naissance. Or, exposé pendant un certain temps à une odeur donnée, notre système olfactif devient incapable de la percevoir. Et ce, « grâce au processus d'adaptation olfactive, un phénomène vital », précise Anne-Marie Mouly, neuroscientifique au Centre de recherche en neurosciences de Lyon.
Avant d'entrer dans les détails, rappelons que les odeurs sont dues à des molécules odorantes volatiles. Lorsqu'on les respire, ces substances pénètrent dans notre nez et stimulent les 10 millions de récepteurs olfactifs (neurones spécialisés dans l'odorat) nichés dans la muqueuse nasale. Le message nerveux naissant au niveau de ces neurones est ensuite acheminé, via le nerf olfactif, jusqu'au cerveau. Lequel analyse le message odorant et permet, au final, de percevoir l'odeur.
Lorsqu'une odeur stimule en continu nos récepteurs olfactifs - comme c'est le cas pour notre odeur corporelle, mais aussi pour l'odeur de notre maison ou le parfum que l'on porte depuis le matin -, notre système olfactif va s'adapter : « La sensibilité de nos récepteurs olfactifs à cette odeur va diminuer progressivement avec le temps. Cette adaptation éteint en quelque sorte les récepteurs olfactifs stimulés par la senteur en question - via des mécanismes moléculaires encore mal compris. Résultat : on ne sent plus l'odeur », précise Anne-Marie Mouly.
La durée exacte à partir de laquelle on ne sent plus une odeur ? Tout dépend de son intensité (plus l'odeur est intense, plus on la sent longtemps) et - plus surprenant - de notre motivation par rapport à cette senteur.
Existant chez tous les animaux, le processus d'adaptation olfactive est vital : en occultant les odeurs habituelles de notre environnement, il nous permet de détecter rapidement tout changement subtil d'odeur autour de nous, dont les senteurs dangereuses, comme celles du gaz, du brûlé ou d'aliments avariés.
Notre odorat est donc programmé pour rester en alerte et
nous signaler les odeurs dangereuses.
Il n’y a pas de règle quant au temps qu’il faut pour qu’une odeur se banalise. L’accoutumance peut être rapide, ne prendre que quelques minutes, et parfois c’est beaucoup plus long. Ça dépend de la nature de l’odeur, des préférences de chacun et du contexte.
Si vous êtes pâtissier, vous ne sentez plus, ou presque plus, l’odeur du pain au chocolat chaud, parce que vous évoluez dedans en permanence. En revanche, si vous êtes clients de la pâtisserie et que vous avez faim, vous n’allez sentir que ça dès que vous aurez pénétré dans la boutique.
À partir du moment où le cerveau est capable de ne pas tenir compte des odeurs familières, il reste en alerte pour signaler un danger potentiel. Si ça sent le brûlé dans votre cuisine, vous allez vous précipiter sur les fourneaux. Si vous ouvrez une conserve de petit à l’odeur suspecte, vous allez la jeter. Et si vous trouvez que ça sent le gaz, vous allez partir. Tout cela parce que ces odeurs n’ont pas fait l’objet d’un processus d’adaptation.
Cette capacité d’adaptation concerne tous les sens. Quand vous mettez votre montre le matin, vous la « sentez » sur votre poignet. Quelques secondes plus tard, vous n’y prêtez plus attention.
Une fois que nous nous sommes habitués à une odeur et que notre corps a décidé que celle-ci n'était pas annonciatrice de danger, il la bloque ; ainsi, notre cerveau indique à notre nez qu’il peut se mettre en quête de nouvelles odeurs à détecter pour connaître le degré de risque qu'ils présentent. C'est vital et ça existe chez les animaux comme chez les hommes. « Ce n’est pas le nez qui est en cause, mais le cerveau », explique Romano Ricci – fondateur des parfums Juliette Has a Gun. Il indique aussi que, même le fait de changer de parfum, puis de revenir à l’ancien, ne résoudrait le problème que très temporairement ».
Autre possibilité, plus experte : se lancer dans la superposition de deux parfums. Attention, dans ce cas, ce sont plutôt les opposés qui s'attirent : épicé + sucré, frais + gourmand, fruité + floral. Ce qui, certes, ne risque pas de vous faire faire des économies. En réalité, une seule question se pose : "Porte-t-on un parfum pour les autres, ou pour soi ?", interroge Romano Ricci. À chacun(e) de trancher…
Sources : « Santé magazine » // « Science & Vie » n°1185 » // « rtl.fr », rubrique bien-être et interview du Dr Cymes // « www.glamourparis.com ».