La nature regorge de trésors ! A la recherche de ces richesses, les sourceurs d’odeurs recherchent et commercialisent des matières premières pour les « nez » et les parfumeurs.
Ces sourceurs explorent le monde pour en recueillir la quintessence et proposer les meilleures qualités: santal australien, myrrhe namibienne, patchouli indonésien, tubéreuse d’Inde, gingembre bleu de Madagascar, Ylang-ylang des Comores, cannelle du Yunnan, bergamote de Calabre … autant de senteurs d'exception qui serviront aux créations de parfumeurs de prestige.
Ces chasseurs d’essences voyagent aux quatre coins du monde et jonglent avec les prix en fonction des éruptions volcaniques ou des révolutions locales, d’un tsunami, d’une sécheresse. Chacun des voyages porte son lot de risques, bestioles, maladies et décalage horaire…
Mais qui sont ces fabricants de parfums ?
pour les plus connus : Firmenich, IFF, Givaudan, Symrise, Procter…
Et l’enjeu est de taille, au vu du coût de la matière première. Les prix s’envolent sur la Côte d’Azur pour la rose préemptée par Dior et Chanel au prix de 8000 euros le kilo…
Le kilo d’absolue de jasmin – un concentré de haute qualité qui nécessite plus de 600 kg de fleurs – peut atteindre les 70 000 euros.
Les prix reflètent donc la rareté des produits et la faiblesse des rendements : pour obtenir un seul kilo d’extrait, il faut compter 330 kg de feuilles de patchouli, 4 tonnes de pétales de rose ou 5 à 6 tonnes de rhizomes d’iris ! Pourquoi ces essences continuent-elles d’être utilisées, alors que leurs clones de synthèse ont envahi les jus ? «Parce qu’elles apportent un supplément d’âme aux créations. Si la chimie façonne la charpente du parfum, la nature lui donne son caractère», explique Jean-Pierre de Mattos, chez Mane (société de création d'arômes et de parfums).
Une mauvaise météo, une catastrophe naturelle, et c’est toute la chaîne qui se grippe. La lavande de Provence est l’une des plus belles du globe, mais elle est touchée depuis quelques années par un phénomène dit de dépérissement : une sorte de cigale miniature, la cicadelle, transmet de plant en plant une micro-bactérie qui obstrue les canaux par lesquels circule la sève et bloque la croissance des tiges. Un vrai fléau. Pour maintenir leurs stocks, certains fournisseurs sont donc obligés de s’approvisionner à l’étranger.
C’est également le cas avec le jasmin, dont la récolte, très délicate – il faut ramasser les pétales entre 6 heures et 10 heures du matin pour qu’ils conservent leurs propriétés olfactives – s’effectue de plus en plus en Egypte. «La qualité est bonne mais l’odeur est un peu différente, plus animale», constate Philippe Massé, chez Prodarom.
Quant au patchouli, dont l’Indonésie détenait encore récemment un quasi-monopole, il pousse maintenant au Guatemala et au Rwanda, histoire de prévenir les accidents climatiques.
Pour la tubéreuse, l’élément clé du best-seller de Dior, «Poison», la société ROURE, éditrice du parfum, s’approvisionne à Mysore, en Inde, où les plantations s’étendent sur des dizaines d’hectares : les bourgeons floraux légèrement rosés avant éclosion y sont cueillis entre 7 heures et midi, avant les grosses chaleurs, puis traités et conditionnés dans la foulée.
Avec l’ylang-ylang, l’essence phare du mythique Chanel n° 5, «il fait désormais l’objet de nouvelles cultures à Madagascar et aux Comores, pour répondre aux besoins considérables de la maison», explique Julien Maubert, chez Robertet.
Voici un petit tour du monde de quelques matières premières les plus courantes...
Rose centifolia
Ramassée de la mi-mai à la mi-juin, la rose centifolia est devenue le symbole de Grasse. Pour obtenir un kilo d’huile essentielle, il faut 4 tonnes de pétales, ce qui explique sa cherté.
Origine : France
Type : Huile essentielle
Prix : 8.000 euros le kilo
Iris
Le beurre d’iris est issu de la distillation du rhizome (partie souterraine de la tige). Quatre ans de séchage précèdent la distillation, ce qui fait augmenter le coût du produit.
Origine : Italie
Type : absolue
Prix : 55.000 euros le kilo
Néroli
Cette huile essentielle obtenue à partir de la fleur de bigaradier (une orange amère) est très prisée pour ses notes fruitées. Il faut plusieurs tonnes de fleurs pour obtenir un kilo de néroli.
Origine : Tunisie
Type : huile essentielle
Prix : 4.000 euros le kilo
Ylang-ylang extra
Une des matières premières du Chanel n° 5. Les Comores sont le premier producteur mondial, avec 50 à 70 tonnes d’essence par an. Un kilo d’huile essentielle requiert 50 kilos de fleurs.
Origine : Comores
Type : huile essentielle
Prix : 300 euros le kilo
Jasmin grandiflorum
Cette fleur reine de la parfumerie est fragile. On la récolte à l’aube (en août) et les pétales sont vite traités pour ne pas altérer leur fragrance. Il faut des millions de fleurs pour un kilo d’absolue.
Origine : France
Type : absolue
Prix : 70.000 euros le kilo
Rose damascena
Moins chère que la rose centifolia, sa production est beaucoup plus importante, d’où son utilisation fréquente en parfumerie. On la trouve surtout en Turquie et en Bulgarie.
Origine : Turquie
Type : absolue
Prix : 1.800 euros le kilo
Vanille
Très utilisée par les parfumeurs, l’absolue de vanille de Madagascar (60% de la production mondiale) provient du glaçage, puis de la distillation du résinoïde extrait des gousses.
Origine : Madagascar
Type : absolue
Prix : 1.000 euros le kilo
Patchouli
Cette huile essentielle est obtenue par distillation des feuilles. Elle doit vieillir des mois en fût pour perdre son amertume. Le patchouli est de plus en plus prisé par les parfumeurs.
Origine : Indonésie
Type : huile essentielle
Prix : 150 euros le kilo
Bois de santal
L’huile essentielle de bois de santal s’obtient par distillation à la vapeur de copeaux de bois et de racines. Très utilisée, elle est la senteur phare de «Samsara» de Guerlain.
Origine : Australie
Type : huile essentielle
Prix : 1.500 euros le kilo
Et, pour finir, une petite vidéo avec le portrait d’un Sourceur d’Odeurs français
Eco-responsable, Stéphane Piquart.